« Quoi faire tandis que tout coule ? » de Petrus Von Tricht, acrylique sur toile de 50×50 cm réalisée en 2025, propose une méditation poignante sur la vulnérabilité humaine, l’effondrement et la résilience. La figure turquoise, partiellement immergée dans une baignoire qui devient port d’abri, pleure des larmes d’encre noire qui troublent l’eau paisible. Assis face à ce spectacle intérieur, le petit bateau en papier, fragile et dérisoire, incarne l’espoir, la rêverie et la résistance face au naufrage. D’une simplicité apparente, ce bateau d’origami symbolise l’innocence de l’enfance, la condition humaine précaire et la liberté incertaine du voyage, naviguant sans certitude sur un océan de troubles.
Philosophiquement, l’œuvre dialogue avec la maxime d’Héraclite, « Panta Rhei » — tout coule — rappelant que le changement et la perte sont inhérents à l’existence. Elle s’inscrit aussi dans une lecture contemporaine de la résilience, notamment chez Michaël Fœssel, pour qui la déstabilisation ouvre des possibles de réinvention et de recomposition du lien au monde. Dans ce contexte, le débordement des larmes encre n’est pas pure abjection mais acte de manifestation, protestation silencieuse et tentative d’expression face au chaos.
La baignoire occupe chez Von Tricht une place symbolique centrale : il ne s’agit pas seulement d’un simple bassin mais d’un refuge liquide, un port intérieur où se jouent les tensions entre l’effondrement et la sauvegarde. Cet espace intime à la fois clos et mouvant permet au corps et à l’esprit de s’arrimer provisoirement, d’unir le visible et l’invisible, la chute et le maintien. Le motif récurrent du bain et de la baignoire comme port d’abri traduit une quête de stabilité dans un monde en flux.
Ainsi, cette œuvre propose une invitation à reconnaître que même lorsque tout semble couler, disparaître et se déliter, demeure la possibilité d’un espace intime et fragile où survivent le rêve, la beauté et la parole. Le bateau en papier et la baignoire-port sont les symboles discrets d’une résistance à l’effacement, d’une persistance de la subjectivité face à l’implacable courant de l’existence.
Sigmund Von Sharpp
Paris, novembre 2025
Collection James Allen, Londres.