
À propos de « HLM » de Petrus Von Tricht
D’un premier regard, « HLM » interpelle par la douceur de sa palette et la singularité de son imaginaire : sur fond de crépuscule mauve, la tête d’un personnage surgit, coiffée de deux ramures dorées qui s’élèvent comme des bois de cerf. Mais ici, point de nature sauvage : ces branches servent de support à trois nichoirs colorés, reliés par des fils où pendent des mini-linges, tandis qu’un petit drapeau français flotte au sommet. Au loin, un disque solaire jaune irradie la scène.
L’habitat collectif, entre poésie et mélancolie
Le titre, « HLM », détourne l’imaginaire de l’habitat collectif (Habitation à Loyer Modéré) pour le transposer dans une iconographie à la fois enfantine et surréaliste. Les nichoirs, symboles d’abri et de communauté, deviennent ici des extensions de la psyché du personnage : l’habitat n’est plus seulement un lieu, mais une projection mentale, un paysage intérieur. Cette hybridation entre l’humain, l’animal et l’architecture rappelle les métamorphoses poétiques de Marc Chagall ou les mondes flottants de René Magritte, où le quotidien bascule dans le rêve.
La tête-forêt : identité, mémoire et appartenance
Les bois de cerf, traditionnellement associés à la force, à la nature et au cycle de la vie, sont ici domestiqués, transformés en supports d’habitat. Le personnage devient à la fois racine et support, mémoire vivante des lieux traversés ou habités. On pense à Gaston Bachelard et à sa « Poétique de l’espace » : l’habitat, même modeste, façonne l’imaginaire, devient un nid pour les souvenirs, les rêves, les identités multiples.
Le linge, la vie ordinaire et le collectif
Les fils à linge, minuscules mais omniprésents, rappellent la vie quotidienne, la promiscuité, les gestes partagés et la tendresse des détails. Ils suggèrent la coexistence, la solidarité, mais aussi la fragilité des liens dans l’habitat collectif. Ce sont des signes d’humanité, de persistance du vivant dans l’anonymat du collectif.
Le drapeau français : ancrage ou ironie ?
Le drapeau tricolore, planté sur le toit d’un nichoir, ancre la scène dans un contexte social et politique précis : la France, ses banlieues, ses questions d’identité et de cohabitation. Ce détail peut être lu comme une revendication d’appartenance, un clin d’œil ironique à la « fierté nationale » dans des espaces souvent stigmatisés, ou encore comme une invitation à reconsidérer la richesse humaine des « marges ».
Palette et composition : entre douceur et tension
La palette pastel, le soleil jaune, la rondeur des formes, tout concourt à une atmosphère apaisée, presque nostalgique. Mais la composition – ces habitats précaires en équilibre sur des bois – traduit aussi une tension : celle de la précarité, de l’instabilité, du rêve d’ancrage dans un monde mouvant.
Conclusion : une poétique de l’habitat intérieur
Avec « HLM », Petrus Von Tricht propose une méditation visuelle sur l’habitat collectif, la mémoire et l’identité. L’œuvre, à la fois tendre et mélancolique, rappelle que chaque « HLM », chaque lieu de vie, est aussi un espace mental, un nid fragile où s’accrochent les rêves, les souvenirs, les liens. À la croisée de la poésie, du social et du surréalisme, cette pièce invite à reconsidérer la beauté cachée dans les marges, la force de l’imaginaire dans la vie ordinaire.
Sigmund Von Sharpp
Paris, mai 2023
Pour acheter cette pièce : https://www.artsper.com/fr/oeuvres-d-art-contemporain/peinture/1913274/hlm