À propos de « L’oiseau de mauvais augure » de Petrus Von Tricht
Une allégorie contemporaine du pouvoir et de la fatalité politique
« L’oiseau de mauvais augure », œuvre de Petrus Von Tricht, frappe d’emblée par sa théâtralité et la densité de ses symboles. Dans une composition où chaque élément semble chargé d’une signification politique et existentielle, l’artiste livre une vision critique et désabusée de l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, qu’il qualifie de « coup d’État démocratique ».
Une scène théâtrale, entre apocalypse et farce
Au premier plan, un personnage à tête de crâne, couronné d’un or éclatant, trône devant un rideau rouge, accompagné d’un chien stylisé à l’allure de fidèle compagnon ou de témoin muet. La couronne jaune, caricaturale, évoque à la fois la royauté et la vacuité du pouvoir : qui est ce roi-squelette, sinon l’incarnation d’un pouvoir vidé de substance, réduit à sa seule apparence ? Le chien, vêtu d’une marinière, pourrait symboliser le peuple français – loyal, mais impuissant et spectateur.
À gauche, un incendie dévore la scène, projetant des étincelles vives qui illuminent l’atmosphère d’une menace latente. Au-dessus du décor, un tuyau endommagé laisse tomber des pièces d’or, une image forte qui suggère la fuite ou la perte des richesses, peut-être la corruption ou la marchandisation du pouvoir.
L’arrière-plan : la bombe, le corbeau et la France en question
Sur la scène du fond, une bombe à mèche allumée occupe le centre, prête à exploser : menace permanente sous la surface du pouvoir. À droite, un corbeau noir, silhouette classique de l’oiseau de mauvais augure, se détache sur un drapeau tricolore stylisé. Le corbeau, messager de mort et de crise, plane sur la France, suggérant que l’événement politique n’est pas une renaissance, mais une catastrophe annoncée.
Le cyprès, arbre funéraire par excellence, renforce la dimension mortifère de la scène, tandis que les tuyaux industriels en haut du tableau rappellent la froideur technocratique et la déshumanisation du pouvoir moderne.
Palette et composition : la clarté au service de l’ironie
Von Tricht utilise une palette vive et contrastée : le jaune de la couronne et des flammes, le rouge du rideau, le bleu de la bombe et du ciel, le noir du corbeau et du crâne. Cette clarté graphique, presque enfantine, accentue l’ironie du propos : sous des dehors naïfs, l’artiste orchestre une véritable tragédie contemporaine.
Références et héritages : de la satire à l’allégorie
L’œuvre s’inscrit dans la tradition de la satire politique (Daumier, Grosz), mais aussi dans celle de l’allégorie moderne : la mort couronnée, le chien fidèle, l’oiseau de malheur, la bombe prête à éclater. On retrouve ici l’influence du surréalisme (Magritte, Ernst) et du symbolisme (Redon), où chaque objet, chaque animal, devient porteur d’un sens caché, d’une inquiétude sourde.
Lecture contemporaine : le pouvoir, la démocratie et la fatalité
En qualifiant l’élection d’Emmanuel Macron de « coup d’État démocratique », Von Tricht interroge la nature même du pouvoir contemporain : démocratie de façade, violence institutionnelle, spectacle politique où les rôles sont distribués d’avance. La présence du corbeau sur le drapeau français, la bombe prête à exploser, la couronne dérisoire sur un crâne : tout ici suggère que le changement de pouvoir n’est qu’un simulacre, une tragédie annoncée sous les habits du renouveau.
Conclusion : une fable politique acide et lucide
Avec « L’oiseau de mauvais augure », Petrus Von Tricht signe une œuvre dense, ironique et profondément critique, où le langage de la fable et de la bande dessinée sert une réflexion amère sur la France contemporaine. Loin de tout didactisme, il propose au spectateur une méditation sur la fragilité du pouvoir, la répétition des catastrophes, et la difficulté de croire encore au salut politique.
Une pièce à la fois ludique et glaçante, qui, sous ses couleurs vives, cache une lucidité sans concession sur notre époque.
Sigmund Von Sharpp
Paris, mai 2017
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