
Rose saturé. Non pas tendresse : vertige. Le cadre n’entoure pas, il enferme. Sur la toile, figure de papier, d’enfance, avalée par un bleu acide, direct, sans repentir. Fausse candeur—la ligne est dure, la bouche se ferme. Sur ce torse-minimum : « zero ». Mieux qu’un poème, une déflagration sourde, héritée d’un lointain cri électrique : Smashing Pumpkins, années 1990, mantra générationnel. Ici, le « rien » devient héraut d’une jeunesse que l’on a dit perdue, mais qui s’est trouvée, paradoxalement, dans l’aveu du manque.
Le rose, chez Von Tricht, trompe son monde. Il promet le coton, délivre l’absence. L’insouciance n’est jamais entière : la chanson en filigrane, la couleur pop, tout évoque la béance, la nostalgie douce de l’idéal brisé. « Zero », mot de passe. Ni apathie, ni arrogance. L’exacte conscience de l’inadéquation entre l’attente et l’être.
Regarder cette œuvre, c’est écouter une musique muette, vibrante de solitude partagée. Les ondes qui entourent l’enfant résonnent encore : elles captent le bruit d’un monde saturé, où même la couleur la plus vive ne saurait masquer la fragilité essentielle du sujet.
Von Tricht ne pleure pas son époque, il la peint en creux. Il fait du « rien », de la note tenue, du refrain générationnel, la matière première d’une poésie visuelle qui n’appartient qu’à lui. Rien, c’est déjà beaucoup. Rien, c’est l’espace laissé à chacun, pour se reconnaître, ou s’oublier.
Sigmund Von Sharpp
Paris, octobre 2025
Œuvre disponible sur ArtDispatch.